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lundi 30 janvier 2012

Paris 8 IEE Thème

Here's the text for this week's classes, with my apologies for posting it so late - I'm still trying to get my internet connection sorted out and had to wait till I could post this from one of your rival universities!

« La culture, notre seule identité »

Umberto Eco vient de retrouver son bureau de Milan, après un voyage à Paris où Nicolas Sarkozy lui a remis les insignes de commandeur de la Légion d’honneur, troisième grade hiérarchique de cet ordre. « C’était au moment où la France se battait pour ne pas perdre son triple A, mais Sarkozy a quand même tenu à me la remettre en personne, j’ai apprécié. Mais je dois dire que j’ai été aussi très ému lorsque j’ai été décoré, en Grèce, de la grande croix du Dodécanèse : la remise de l’insigne a lieu dans la grotte de Patmos, où saint Jean a écrit l’Apocalypse ! », s’exclame, en riant, l’écrivain et sémiologue italien.

« D’ailleurs, un des avantages de l’Europe est que le président allemand Christian Wulff ou le premier ministre espagnol Mariano Rajoy, que je ne connais même pas, me souhaitent mon anniversaire. Désormais, nous sommes européens par la culture, après l’avoir été des années durant par les guerres fratricides.
« Face à la crise de la dette européenne, et je parle en tant que personne qui ne connaît rien à l’économie, nous devons nous rappeler que seule la culture, au-delà de la guerre, constitue notre identité. Des siècles durant, Français, Italiens, Allemands, Espagnols et Anglais se sont tiré dessus à vue. Nous sommes en paix depuis moins de soixante-dix ans et personne ne remarque plus ce chef-d’œuvre : imaginer aujourd’hui qu’éclate un conflit entre l’Espagne et la France … ne provoque plus que l’hilarité. Les Etats-Unis ont eu besoin de la guerre civile pour s’unir vraiment. J’espère que la culture et le marché nous suffiront.
« En 2012, l’identité européenne est répandue, mais shallow – j’utilise à dessein ce mot anglais, qui ne correspond pas complètement à l’italien superficiel et se trouve à mi-chemin entre surface et deep, ‘profond’. Nous devons l’enraciner avant que la crise ne la détruise entièrement. Les journaux économiques évoquent peu le programme d’échanges interuniversitaires Erasmus, mais Erasmus a créé la première génération de jeunes Européens. Pour moi, c’est une révolution sexuelle : un jeune Catalan rencontre une jeune Flamande, ils tombent amoureux, se marient, et deviennent européens, comme leurs enfants. Ce programme devrait être obligatoire, pas seulement pour les étudiants mais aussi pour les taxis, les plombiers, les ouvriers. Ils passeraient ainsi un certain temps dans les pays de l’Union européenne, pour s’intégrer.
« Quand j’ai proposé, lors d’un sommet des maires européens, mon idée d’un Erasmus étendu aux artisans et autres professionnels, un maire gallois s’est écrié : ‘Mes administrés n’accepteront jamais !’ Et, alors que je parlais il y a quelques jours à la télévision anglaise, le présentateur s’est mis à me contredire, préoccupé qu’il était par la crise de l’euro, l’Europe supranationale et le fait que les gouvernements techniques de la Grèce et de l’Italie, n’étant pas ‘élus’, n’étaient donc pas ‘démocratiques’. Que devais-je lui répondre ? Que notre gouvernement a été approuvé par le Parlement et proposé par un président de la République élu par ce Parlement ? Que dans toutes les démocraties il y a des institutions non électives, la reine d’Angleterre, la Cour suprême américaine, et que personne ne les considère comme étant non démocratiques ? »

Gianni Riottoa (La Stampa)
Traduit de l’italien pour Le Monde, 26 janvier 2012 par Florence Boulin

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