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lundi 19 mars 2012

Paris 8 IEE thème

Here's the text for this week. I'm sorry to post it so late. And I'm afraid I'm recycling from last year again, so if you've translated this text already (VG, this means you!) feel free to attend or not, as you prefer.


L’inné acquis
Voilà des décennies que les psychologues se divisent sur la question de savoir si tel comportement humain doit être considéré comme « inné » ou « acquis ». Cette dispute a rebondi de façon très virulente à propos de l’utilisation de tests d’intelligence et de la mesure du « quotient intellectuel » : le célèbre QI. Mesure-t-on là des aptitudes innées, voire héréditaires, ou, comme certains l’ont soutenu avec des arguments convaincants, une adaptation plus ou moins réussie aux normes scolaires occidentales ?

L’un des bénéfices majeures de l’approche éthologique des comportements humains permet d’éviter l’usage de ces pseudo-concepts massifs et de montrer pourquoi ils ne correspondent qu’à un faux problème. Eysenck estimait que dans le comportement humain la part de l’inné représentait 80%, celle de l’acquis 20%. Sur la base de notre expérience, nous dirions volontiers que l’inné y représente 100%, et 100% l’acquis. Ou, ce qui revient au même, que rien n’est « inné » et rien n’est « acquis ». Nous venons d’en trouver des exemples multiples : l’acquis ne se trouve jamais acquis que grâce à l’inné, qui lui-même s’avère toujours à façonner par l’acquis !

En réalité ce qu’on présente comme une discussion fondée, de part et d’autre, sur des observations scientifiques nous apparaît comme un avatar de l’antique partage occidental, théologisé, puis philosophisé, de l’âme et du corps. Les partisans de l’âme s’opposent inlassablement aux partisans du corps. Les mots changent ; on parle d’organogenèse, de psychogenèse… mais la vieille opposition demeure. Pour montrer comment il ne s’agit en définitive que de l’habillage scientifique d’oppositions idéologiques, je me suis saisi de l’occasion des élections présidentielles de 1974 pour me livrer à une petite expérience : il se tenait alors un énième colloque du CNRS sur l’inné et l’acquis. La passion habituelle s’exprimait entre clans adverses. J’ai voulu savoir comment se répartiraient les votes des deux écoles, ceux qui en tenaient pour l’innéité (génétique) du comportement, et ceux au contraire qui se montraient partisans de l’acquis. Mes collègues ont bien voulu répondre à mon petit « sondage », et j’ai pu constater que presque tous les partisans de l’inné allaient voter pour Giscard d’Estaing, alors que les partisans de l’acquis s’apprêtaient à donner leurs voix à Mitterrand ! Ce petit jeu, on a dû le refaire souvent : il s’agit bien de deux « conceptions du monde », deux représentations de l’homme qui s’affrontent. Et voilà pourquoi il n’y a aucune manière de trancher scientifiquement un tel débat. Si vous pensez que l’inné prédomine, cela signifie que vous tenez l’homme pour soumis à la loi de l’univers, en l’occurrence à la loi des chromosomes… Et comme il règne une certaine inégalité parmi les hommes, vous l’expliquez par l’inégalité desdits chromosomes. Si au contraire vous avez l’idée que c’est le milieu, ou, comme on dit aujourd’hui, l’environnement qui est déterminant, vous « dématérialisez » ou, en tout cas, vous « débiologisez » l’homme. Du coup, vous pensez qu’en modifiant le milieu vous pouvez changer l’inégalité entre les hommes, voire l’homme lui-même pour l’améliorer. Cette représentation vous engage socialement : vous manifestez, vous luttez…

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